Poulehouse : un modèle économique qui ne plume pas les poules

– Bonjour monsieur, excusez-moi de vous déranger. Je cherche Pressac, là où se trouve Poulehouse.

– Aaah ! Vous cherchez la maison de retraite des poules ! Vous allez voir : c’est pas difficile à trouver.

Ce monsieur nettoyant son terrain au bord de la route avait raison : ça n’a pas été difficile de trouver “la maison de retraite des poules”.

 

Poule house

 

Nous sommes à Coussac-Bonneval, en Haute-Vienne. Une petite ferme, bien typique de la région.

Elodie m’accueille et nous partons visiter l’élevage.

Le système Poulehouse

Poulehouse est une société dont le modèle économique ne repose pas sur l’exploitation à outrance des animaux. Poulehouse achète la production d’oeufs d’élevage bio à un prix supérieur au marché et lorsque les poules arrivent à 18 mois, au lieu d’aller à l’abattoir, elles viennent vivre dans l’élevage de Haute-Vienne, où elles continueront à pondre à leur rythme et mourront de leur belle mort.

Ces poules issues de la production bio n’ont pas le bec coupé et ont déjà vécu en parcours extérieur.

Poulehouse n’est pas une oeuvre de bienfaisance. Les quelque 4000 poules qui vivent là ne seraient qu’une minuscule goutte dans un vaste océan. C’est une startup qui veut rendre son modèle économique pérenne. L’époque est attentive à la qualité des aliments qu’on lui fournit ainsi qu’à la maltraitance animale. Les oeufs de Poulehouse sont chers – la boîte de 6 oeufs coûte 6 euros –  mais ils sont éthiques et séduisent déjà beaucoup de monde.

Et si ça marche, ce modèle sera imité : les poules ont tout à y gagner.

Nous nous engageons à nourrir, loger et soigner nos poules jusqu’à leur mort naturelle. Les coûts sont réintégrés dans le prix de l’œuf, ainsi c’est le consommateur qui sauve les poules.
Nous valorisons le travail des éleveurs qui se mobilisent à nos côtés en les rémunérant davantage.

La résidence Poulehouse

 

Élodie, co-fondatrice et directrice de production, me présente les installations.

Les bâtiments de Poulehouse

Cinq bâtiments de ce type-là. Cela ressemble en effet aux installations d’un élevage de volailles bio.

Approchons-nous un peu. Voici les appartements des plus anciennes. Elles ont trois ans, à présent. Il est évident qu’elles sont à l’âge où l’on sait profiter de la vie.

Poules à Poulehouse
La vie est douce, à Poulehouse

Des petites poules rousses. Toutes des petites poules rousses. Mais rien à voir avec ces horribles images que l’on peut avoir de poules en cages. Ces hybrides sont bien grassouillettes avec un joli plumage et une crête bien rouge. Quand nous arrivons, elles sont en train de prendre un bon bain de poussière avec délices.

Petite poule rousse

Les parcours sont vastes et enherbés. Ils ont encore à être travaillés pour offrir  tout ce dont ont besoin les poules, notamment le couvert. Mais les plantations prennent du temps à pousser. Cela ne peut pas se faire en une nuit.

Les parcs sont entourés de filets électriques. On est en train de finaliser une clôture qui ceindra l’ensemble des parcours. L’électricité tient le renard à distance. Malheureusement pas l’autour des palombes qui a provoqué quelques pertes.

Des innovations

 

Après le bâtiment des plus âgées, voici celui des plus jeunes. Mais attention : pas n’importe quelles jeunes ! Celles-là sont nées d’une coopération avec une société allemande, Seleggt.

La technique de Seleggt consiste à percer, à l’aide d’un laser, un trou microscopique (de l’ordre de 0,3 millimètre) dans la coquille de l’oeuf et d’en extraire une goutte de liquide. Une fois cette dernière mélangée à un réactif, on peut déterminer le sexe du futur poussin. À noter que, le trou se refermant de lui-même en quelques heures, le procédé est donc inoffensif pour le poussin. Une fois détectés, les oeufs de poussins mâles sont transformés en farine alimentaire. L’analyse qui peut être réalisée dès le 9e jour de couvaison, soit 12 jours avant l’éclosion de l’oeuf, est fiable à 98 %. (Consoglobe)

Ainsi les poussins mâles ne naîtront pas et ne connaîtront pas l’épouvantable destin des poussins broyés.

Les oeufs femelles sont confiés à un couvoir néerlandais et ces petites demoiselles sont arrivées à l’âge d’un jour à La maison des poules, au mois d’avril. Installées dans une poussinière, elles ont grandi pour devenir des poulettes qui ne vont pas tarder à entrer en ponte.

 

Les poulettes de Poulehouse

 

Comme il a été dit plus haut, les résultats de cette technique sont fiables à 98%. Il arrive donc qu’un tout petit nombre de mâles éclose, malgré tout. Barney est un de ceux-là.

 

Barney, le coq de Poulehouse

 

Petit coq blanc comme il se doit dans cette race, il est né handicapé mais avec un solide appétit de vivre. Borgne et le bec croisé, il ne sera sans doute jamais le plus bel ornement de la ferme. Mais il est d’ores et déjà bien aimé. Il n’est qu’à voir, lorsqu’ Élodie le prend dans ses bras, comme il est fier là-haut. Malgré sa disgrâce, ou peut-être grâce à elle, il a ce qu’aucune autre des poules du site ne possède : un nom.

Voilà, c’est comme cela que cela se passe quand les humains sont humains. Et assurément, on l’est à Poulehouse.

 

Poulehouse

 

Et vous, que pensez-vous de ce modèle économique ?

 

 

La poule Kalicotte nous regarde droit dans les yeux.
Oui, mais moi, je ne veux pas aller en maison de retraite, quand je serai vieille !
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6 thoughts on “Poulehouse : un modèle économique qui ne plume pas les poules

  1. Je ne connaissais pas du tout! C’est une super démarche, mais j’ai lu quelque part que les poules peuvent vivre jusqu’à 13 ans… est-ce vrai? Si cette démarche était plus généralisée, est-ce que ça permettrait de réduire le prix des œufs? Sinon, il faudrait réduire drastiquement la quantité d’œufs consommée, un défi pour beaucoup d’entre nous.Merci de ce bel article!

    1. Oui, cette démarche est un grand progrès pour le bien-être animal. Si cela marche, l’élevage de volailles sera obligé d’en tenir compte. Les prix baisseront certainement. Il faut pour cela que les consommateurs jouent le jeu.
      Une poule a une espérance de vie d’une vingtaine d’années. Mais nos poules n’ont pas été sélectionnée pour vivre longtemps. Elles l’ont été pour produire beaucoup d’oeufs, beaucoup de viande, répondre à des critères esthétiques précis. La résistance aux maladies n’est quasiment jamais un critère de sélection. C’est ce qui fait que peu d’entre elles dépassent les six-sept ans. Quand le renard ne s’en mêle pas, en plus !
      Ma doyenne a six ans et j’espère bien la garder le plus longtemps possible. C’est une marans issue d’un élevage qui produisait des animaux d’exposition.
      Mes deux premières poules étaient des hybrides pondeuses qui sont mortes à 1 an et demi et 2 ans et demi, épuisées, atteintes de maladie tumorale. Ce sont ces poulettes que l’on retrouve dans l’élevage industriel.

  2. Bonjour Françoise,Ton article est passionnant et me touche d’autant plus qu’en septembre je commence un CDI pour travailler chez PouleHouse pour défendre leur modèle économique, développer ce modèle de production respectueux et dans l’idéal faire que tous les oeufs viennent de poules comme ça à l’avenir.J’espère que tu vas bien et te souhaite une belle journéeElodie

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