Ma première rencontre avec le docteur Aubineau a eu lieu il y a un an et demi. J’étais assise dans une salle d’attente, un petit carton entre les mains avec un poussin qui gigotait à l’intérieur. C’était Belami et il n’était à l’époque qu’un petit bout de poussin qui n’avait pas encore deux semaines mais avait déjà fréquenté un cabinet vétérinaire et poursuivait son errance médicale chez un ostéopathe.
La femme qui nous a fait entrer dans son cabinet avait l’allure franche, décidée et chaleureuse de ceux qui connaissent bien leur métier et savent l’ouvrir aux autres. Le docteur Aubineau s’est occupée de mon bout de poussin avec le même sérieux, la même intensité que s’il s’était agi d’un champion d’agility. Il s’est laissé faire sans jamais protester, détendu et confiant. Et l’ostéopathe a senti toute l’énergie qui se dégageait de ce petit bonhomme.
Belami a grandi et vécu sa vie de poulet handicapé, puis il s’en est allé.
Mais le docteur Aubineau est toujours là pour prendre soin de tous les animaux que la vie casse plus ou moins durement. Et aujourd’hui, je la rencontre pour un entretien où elle me présente sa conception du métier de vétérinaire ostéopathe .
Une approche ostéopathique à trois niveaux
Laurence Aubineau est diplômée de l’École vétérinaire de Toulouse et a longtemps pratiqué dans un cabinet vétérinaire conventionnel. Mais il y a six ans, à partir d’une formation, elle a découvert une autre manière de pratiquer la médecine vétérinaire. Une approche « holistique, c’est-à-dire qui prend en compte tous les niveaux du vivant. »
Le premier de ces niveaux est la matière. Ce sont nos os, nos muscles, nos organes… C’est de cela que s’occupe notre médecine occidentale conventionnelle.
Le niveau suivant est celui de l’énergie. Cette énergie émane de la matière mais pas uniquement des êtres vivants. C’est sur cette énergie que travaillent des disciplines comme l’acupuncture.
Enfin, le troisième niveau est celui de l’information. Je ne suis pas sûre de saisir dans quel sens il faut prendre ce mot. Mais il concerne tout ce qui procède des émotions. Travailler sur ce niveau nécessite de prendre conscience des relations entre l’animal et ses humains, entre l’animal et les autres animaux de sa sphère affective.
Tout ce qui se déroule à un niveau a un retentissement sur les autres.
Le déroulement d’une séance
« La consultation ostéopathique dure environ 45 minutes auxquelles il faut ajouter au préalable une dizaine de minutes de questions concernant les antécédents pathologiques et traumatiques de [l]’animal et pour la réalisation d’un examen clinique classique.
Elle se déroule sur une table de consultation, et si besoin, pour le confort de l’animal, sur un plaid ou un tapis.
Les manipulations sont en général très douces, et ne se font de toutes les manières qu’avec la coopération de [l’] animal : le travail se fait avant tout à deux !
Pendant cette séance, les tensions sont libérées : [l’]animal peut se mettre à bailler, à haleter, à gargouiller, à s’apaiser (voire même à fermer les yeux !) »
Une démarche qui va au-delà des atteintes physiques
Le docteur Aubineau reçoit dans son cabinet des animaux souffrant de problèmes locomoteurs, viscéraux mais également, des animaux qui souffrent de problèmes de comportement, notamment après la perte d’un maître ou d’un compagnon animal.
Gina, dogue argentin de 5 ans, vient consulter pour la boiterie d’un membre postérieur. Le vétérinaire conventionnel n’a rien trouvé, rien n’apparaît sur les radios. Peu à peu, en manipulant Gina et en échangeant avec sa maîtresse, Laurence Aubineau comprend que quelque chose se joue ailleurs que sur le niveau matériel, quelque chose qui tourne autour de la maternité et d’un deuil à vivre. Gina cessera de souffrir de sa patte après que sa maîtresse lui aura parlé de ce qui la faisait souffrir, elle aussi. Une chienne empathique.
De nombreux chiens et chats viennent au cabinet pour rencontrer une oreille attentive et des mains qui écoutent.
Lili, golden de neuf ans et demi, présente une sciatique, des allergies. Elle manque d’énergie, son poil est terne, son regard triste. Lili est trop grosse. Lili ne va pas bien. La vie de Lili retrouvera des couleurs quand les humains autour d’elle auront compris qu’elle souffre de la perte d’un autre chien, compagnon de vie dans sa famille.
Le jour où j’ai rencontré le docteur Aubineau, Diane vient consulter pour des raideurs articulaires et un grande agressivité envers ses congénères comme envers les humains. Elle a passé quatre ans à la SPA, avant d’être adoptée par un jeune homme qui l’amène aujourd’hui au cabinet. Son précédent maître est mort alors qu’elle avait cinq ans. Elle avait vécu avec lui de façon fusionnelle. Il l’avait dressée à l’attaque.
Diane doit réapprendre à vivre une vie avec de nouvelles règles, mettre derrière elle ce qui l’avait construite. Cette chienne a eu de la chance de rencontrer quelqu’un qui va l’accompagner sur ce chemin.
Je quitte le cabinet pour laisser le trio formé par le chien, son maître et la thérapeute vivre cette séance sans présence extérieure.
J’ai apprécié ces moments d’échange avec le docteur Aubineau. Et songeant à ma petite arche de Noé personnelle qui m’attend à la maison, je souris, heureuse de savoir qu’il existe une telle consultation pour les animaux en difficulté.